Comment rationaliser l'irrigation

L'irrigation est un facteur déterminant pour la croissance et la fructification des agrumes. Une gestion adéquate de l'eau permet d'optimiser les rendements et la qualité des fruits.

Comment rationaliser l'irrigation
Comment rationaliser l'irrigation


Comment arriver à une conduite rationnelle des irrigations ? 

L'examen de la pratique de l'irrigation au Maroc révèle deux aspects essentiels : l'emploi de fortes doses souvent excessives et l'adoption de petites fréquences, c'est à dire des tours d'eau assez longs. C'est le cas de l’irrigation gravitaire. Telle qu'elle est menée, l'irrigation est loin d'être rationnelle.

La Conduite Rationnelle des Irrigations

Nous ne nous attarderons pas dans cette article à détailler les inconvénients d'une telle pratique (pertes d'eau par percolation, asphyxie temporaire éventuellement, difficultés d'absorption par les racines vers la fin d'un tour d'eau, etc…). Nous allons revenir à la conduite rationnelle des irrigations dans un autre article avec beaucoup plus de détails.

Nous voudrions surtout sensibiliser les praticiens sur l'origine des erreurs commises et indiquer la démarche à suivre pour les éviter et aboutir à une rationalisation de la conduite des irrigations.

Au préalable, et afin de mieux éclairer la démarche qui sera proposée, nous ferons un rappel succinct du mécanisme d'absorption de l'eau par la plante et de l'évolution de l'eau dans le sol.

Rappel succinct du mécanisme d'absorption de l'eau par la plante

Pour assurer une conduite rationnelle des irrigations, raisonnons au départ au niveau du végétal sans tenir compte de l'influence de l'environnement sol. Au niveau du poil absorbant, le passage de l'eau à l'intérieur des cellules se fait grâce à une force de succion.

L'absorption de l'eau par la plante

La de succion correspond à la différence entre la pression osmotique développée par le suc cellulaire et la force de turgescence exercée par la vacuole sur la membrane cytoplasmique.

Ainsi, pour une concentration donnée du suc cellulaire, c'est à dire pour une pression osmotique donnée de ce suc, toute diminution de la turgescence tend à augmenter la force de succion et donc le passage de l'eau. 

Par contre, une augmentation de la turgescence à la suite d'un gonflement des vacuoles tend à réduire la force de succion de la cellule et donc le passage de l'eau vers l'intérieur.

La rétention de l'eau par le sol

En réalité, le phénomène de l'absorption de l'eau par la plante est plus complexe ; puisque au niveau du sol, l'eau s'y trouve retenue par un certain nombre de forces (capillarité, pression osmotique de la solution du sol…) C'est le rapport entre la force de succion du végétal et la résultante des forces de rétention au niveau du sol qui conditionne le passage de l'eau vers la plante.

Ainsi, plus les forces de liaison sont faibles au niveau du sol, plus l'absorption de l'eau est aisée. Si on arrive à stabiliser ce taux d'humidité du sol on peut dire que la conduite d'irrigation est maitrisée, (excepté bien entendu, le cas de conditions limitantes comme l'asphyxie). C'est ce qui se passe au lendemain d'une irrigation copieuse.

Par contre, plus les forces de liaison augmentent, plus l'absorption de l'eau à tendance à diminuer. C'est ce qui se passe lorsque l'on s'éloigne de l'irrigation précédente et qu'on se rapproche de la suivante.

Un premier enseignement à tirer de cette notion : pour rationnaliser les irrigations et rester dans des conditions d'absorption optimales pour la plante, le déclenchement de l'irrigation doit veiller à ce que cette dernière intervienne avant que les forces de liaison de l'eau au niveau du sol n'augmentent exagérément au détriment de la force de succion du végétal.

Stockage et disponibilité de l'eau dans le sol

Le sol grâce à sa microporosité est en mesure de se comporter comme un réservoir vis à vis de l'eau qu'on lui apporte au moyen des irrigations. Mais il ne s'agit pas de lui fournir n'importe quelle quantité. Sa capacité d'emmagasinement étant limitée, tout apport en plus du volume correspondant à cette limite est perdu par percolation.

Capacité de rétention

La limite de l'emmagasinement de l'eau par le sol correspond à la notion de capacité de rétention ou capacité au champ. Elle renseigne sur la quantité d'eau maximum que le sol peut retenir en la soustrayant aux forces de la pesanteur. Pour un sol donné, cette quantité est exprimée en % du volume ou du poids du sol.

Point de flétrissement

La quantité d'eau que le sol peut emmagasiner n'est pas entièrement disponible pour la plante, cette dernière ne pouvant en extraire qu'une partie, le reste étant énergiquement lié au sol de manière telle que la force de succion du végétal s'avère insuffisante pour le libérer.

L'humidité qui reste encore dans le sol à ce stade et qui ne peut donc être extraite par les racines correspond à ce que l'on appelle le point de flétrissement. La fraction comprise entre la capacité de rétention et le point de flétrissement est appelée Réserve Utile (R.U).

Ces points d'humidité caractéristiques (capacité de rétention et point de flétrissement) et le stock qu'ils délimitent (Réserve Utile) sont fonction de la nature du sol, et en particulier de sa granulométrie. Le tableau ci-dessous fournit des données moyennes pour quelques classes de sol (humidités pondérales).

Ces chiffres sont donnés à titre indicatif seulement puisque au sein d'une même classe de sol, on peut noter des variations dues elles-mêmes aux variations de la texture.

Réserve utile (RU)

La réserve utile ainsi définie est donc disponible pour la plante. Mais, nous avons vu plus loin que l'extraction de l'eau par les racines ne se fait pas avec la même aisance si l'humidité se situe du côté de la capacité de rétention ou si par contre elle approche du point de flétrissement.

Réserve facilement utilisable (RFU)

Ainsi, à l'intérieur de cette Réserve Utile, on peut distinguer une fraction qui est facilement utilisable (Réserve Facilement Utilisable) et une autre qui l'est beaucoup moins, cette dernière se situant, bien entendu, du côté du point de flétrissement.

Dans la recherche d'une maitrise des irrigations et d'une utilisation optimum de l'eau par les racines, on a intérêt à intervenir par des irrigations au plus tard quand la R.F.U est épuisée.

L'impact de la nature du sol sur les réserves en eau (RU et RFU)

Comme pour la Réserve Utile, la Réserve Facilement Utilisable est fonction de la nature du sol. Mais, en plus, elle varie avec l'espèce végétale, puisque toutes les plantes ne développent pas la même force de succion. Certains auteurs prennent une moyenne de 2/3 ou de 3/4 de la Réserve Utile.

Mais ces données-là restent très approximatives puisque la force du succion d'un palmier ne peut être comparée à celle de la tomate. Il n'empêche qu'elles peuvent servir de base dans le cas des cultures courantes. Ainsi, à partir du tableau précédent, on peut faire une estimation de la R.F.U pour quelques classes de sol.

Comment rationnaliser les irrigations ?

Connaissant le comportement du sol vis à vis de l'eau et le mécanisme d'alimentation hydrique des végétaux, il convient d'utiliser ces notions pour décider du choix de la dose et de la fréquence des arrosages dans une optique d’une conduite rationnelle des irrigations et d'optimisation de l'utilisation des ressources disponibles.

Doses et fréquences

Faisons une application. Prenons le cas d'un verger d'agrumes adultes sur un sol de texture moyenne dont les points d'humidité caractéristiques figurent sur les tableaux précédents : soit par cm d'épaisseur de sol, 1,4 mm pour la R U et 0,98 mm pour la R.F.U. En prenant une profondeur d'enracinement de 70 cm, les arbres disposeraient d'une R.U de 98 mm et d'une R.F.U de 68 mm.

Cas de fréquences d'irrigation flexibles

Dans le cas d'une conduite rationnelle des irrigations, ces dernières doivent intervenir au plus tard quand le déficit hydrique du sol depuis l'irrigation précédente atteint 68 mm. La hauteur d'eau à apporter sera bien entendu de 68 mm également. On travaillera ainsi avec une dose fixe alors que la fréquence sera variable et tiendra compte de la demande climatique.

Cas de fréquences d'irrigation fixes

Si on est soumis à un tour d'eau ou que pour une autre raison quelconque on est obligé d'adopter une fréquence fixe, il ne faut en aucun cas laisser s'épuiser totalement la R.U. le mieux serait de ne jamais dépasser l'épuisement de la R.F.U.

Bien entendu, à chaque irrigation, le volume d'eau à apporter devra correspondre au rabattement du stock du sol. Et tout apport supplémentaire doit être considéré comme perdu et ne pouvant profiter aux racines (excepté la partie qui remontera par capillarité).

Les besoins d'eau

L'estimation des besoins en eau peut être faite en partant de la demande climatique fournie par le bac d'évaporation classe A et en introduisant les coefficients de correction nécessaires Kp et Kc.

Une fois les besoins estimés, il faudra déterminer les quantités à fournir au niveau de la parcelle et les volumes à tirer de la source d'eau (puits ou canal). La détermination de ces quantités tiendra compte de l'efficience de la méthode d'irrigation à la parcelle et au verger, c'est à dire des différentes pertes occasionnées par ruissellement, par percolation et par évaporation.

Cas de calcul des doses d'irrigation

Faisons une application et prenons le problème à partir du démarrage des irrigations. Nous garderons l'exemple du sol de texture moyenne.

Si l'hiver est pluvieux, les irrigations sont arrêtées et ne sont reprises qu'au printemps. Supposons que les dernières pluies qui ont ramené le sol à la capacité de rétention remontent au 28 Février, et prenons des évapotranspirations moyennes de 1,7 mm/jour en Mars et de 2,2 mm/jour en Avril. L'évolution des réserves du sol se fera de la manière suivante :

Ainsi, en l'absence de nouvelles pluies ou d'irrigation, l'épuisement de la R.F.U sera atteint le 8 Avril et celui de la R.U, le 21 Avril. Aux mois d'Avril, Mai, Juin et une partie de Juillet correspondent des stades physiologiques critiques durant lesquels les arbres doivent être conduits délicatement et ne doivent pas subir d'à-coups.

En aucun cas, on ne doit aller au-delà de l'épuisement de la R.F.U. En d'autres termes, à la date extrême du 7 Avril, on doit avoir accompli un tour d'eau complet. L’idéal est de faire des apports journaliers si le système d’irrigation utilisé le permet.

Conclusion

Pour une conduite rationnelle des irrigations, il est vivement recommandé de démarrer les irrigations tôt pour passer le cap de la chute de juin sans problème. Au-delà de ce stade on est plus tranquille.

Le rabattement du stock pourra aller au-delà de la R.F.U sans gros risque. De même, en juillet et en aout, même si les arbres n’arrivent pas à répondre d’une manière optimale à la demande climatique, cela ne risque pas d’être catastrophique, comme on peut le craindre avant la chute de juin.








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